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18 mai 2008

Légende ou réalité ?

Treize crânes de cristal et une légende

TRACES D'OUTILS INCONNUS

En 1992, le musée américain reçoit par la poste un paquet accompagné d'une lettre non signée, indiquant que "ce crâne de cristal aztèque faisait partie de la collection Porfirio Diaz (président de la république du Mexique de 1876 à 1911) et a été acheté à Mexico en 1960". L'objet pèse 14 kilos, mesure 25,5 cm sur 22,5 cm et est translucide. A la demande de Jane MacLaren Walsh, anthropologue au Smithsonian's National Museum of Natural History, le crâne est examiné à l'aide de microscopes électroniques. Ces études révèlent des traces d'outils inconnus des civilisations méso-américaines. Le crâne de Londres, opaque, est légèrement plus petit. Il a été acheté en 1898 par le musée britannique auprès du joaillier Tiffany's de New York. Examiné après celui de Washington, le crâne fait apparaître, lui aussi, l'usage de meule métallique. Depuis 2005, il est considéré comme un faux, et a été présenté dans une exposition : "Fake, Art of Deception" (Le faux, où l'art de la tromperie). Le crâne serait passé entre les mains d'Eugène Boban, un personnage singulier qui est sans aucun doute à l'origine du crâne de Paris, entré, lui, dans les collections françaises en 1878. Boban se présente dans les années 1860 comme "l'antiquaire de l'empereur Maximilien". L'archiduc autrichien tente alors de s'imposer sur le trône de Mexico avec l'aide de Napoléon III et d'un corps expéditionnaire français. L'aventure finira tragiquement : "l'empereur du Mexique" est fusillé en 1867. Pendant ce temps, Boban achète quantité d'antiquités précolombiennes et tient boutique à Mexico. En 1875, il vend l'essentiel de sa collection à Alphonse Pinart, voyageur, archéologue, linguiste et collectionneur. Cet achat va le ruiner et, en 1878, Pinart va échanger sa collection avec l'Etat français contre le financement d'une campagne d'exploration dans les deux Amériques. La collection d'Eugène Boban est inégale. Elle comprend néanmoins quelques chefs-d'oeuvre comme la statue de Quetzalcoatl et le masque de Xipe Totec, actuellement exposés au pavillon des Sessions du Louvre. Le crâne de quartz, d'une exceptionnelle limpidité, fait partie du lot. Censé représenter Mictecacihuatl, une divinité de la mort, il est même considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre du Musée d'ethnographie du Trocadéro, qui deviendra le Musée de l'Homme. "L'antiquaire de l'empereur", profitait-il de sa réputation pour écouler des faux ? Les examens de Washington et de Londres poussent le Musée du quai Branly à faire ausculter son fameux crâne. Les conclusions du laboratoire des musées de France ne sont pas toutes encore tombées, mais on sait déjà que cette pièce a été taillée avec des outils européens. L'objet pourrait avoir été élaboré à Idar-Oberstein, un très vieux centre lapidaire du sud de l'Allemagne, avec des minéraux importés du Brésil.

LE SHA-NA-RA, LE SYNERGIE ET L'E.T.

Dès 2006, le crâne de Paris est présenté dans l'exposition "D'un regard l'autre", avec une notice qui ne laisse pas la place au doute : c'est un faux. "Presque toutes les pièces taillées dans des pierres dures par les artistes précolombiens sont de petite taille, faute d'outils appropriés pour s'attaquer à des objets du volume des crânes de cristal", estime Yves Le Fur, conservateur au Musée du quai Branly. Ces arguments sont loin de convaincre les possesseurs des autres crânes, des objets souvent affublés de pittoresques surnoms. Citons le Sha-Na-Ra, mis au jour dans un temple de l'Etat du Guerrero (Mexique) par le "maître chaman" Nick Nocerino à la fin des années 1990, ou Max, dont la propriétaire, JoAnn Parks, prétend qu'il a été volé dans une tombe maya du Guatemala vers 1925. L'examen de ces deux pièces - négatif - par le British Museum, en 1996, n'a pas ébranlé la conviction de leurs possesseurs. Il existe aussi le crâne Synergie, le crâne Mayan, le crâne E.T., le Crâne d'améthyste, le Crâne à la croix reliquaire et le Crâne de cristal rose. Pour des groupuscules tenants de la philosophie New Age, ces objets auraient été élaborés par des civilisations extraterrestres ou viendraient de l'Atlandide, le mythique continent englouti. Lorsqu'on fait remarquer qu'aucun de ces crânes n'a été découvert dans un contexte archéologique traditionnel, les partisans de l'authenticité citent le cas du Crâne du destin. Il a été trouvé sur un site maya, à Lubaantun, au Honduras britannique (aujourd'hui le Belize). Ce site a été repéré en 1924 par Frederick A. Mitchell-Hedges, un aventurier anglais, archéologue et ethnologue fantasque. En 1926, sa fille adoptive Anna, alors âgée de 17 ans, prétend avoir mis la main sur un crâne de cristal translucide, en haut d'une pyramide maya. Anna, qui vécut presque centenaire, développa longuement une légende ésotérique autour de cette pièce connue sous le nom de Crâne du destin. "Une légende s'est mise en place à partir de la pseudo-découverte de Mitchell-Hedges, note Yves Le Fur. Elle reflète la fascination exercée par ce type d'objet. Ce vieux symbole de la mort - la vanité - est associé à la pureté et à la transparence du cristal, doté, affirment les sectateurs du New Age, de vibrations positives. Paradoxalement, au fur et à mesure de l'accumulation des preuves de son inauthenticité, l'objet gagne en enchantement." Au point de convaincre Steven Spielberg de s'emparer du sujet.

Emmanuel de Roux

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